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Septième Art

Septième Art
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1 mars 2007

Le dernier roi d'Ecosse

Le dernier roi d'Ecosse. Pour ceux qui n'en auraient pas entendu parler et qui s'attendraient à voir quelque chose entre Highlander et Braveheart, la déception serait grande. En revanche, si vous voulez découvrir une vision passionnante sur la folie et le pouvoir, courez voir ce film qui se penche sur une période récente et un continent souvent absent au cinéma.

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Le synopsis est assez simple. Dans les années 1970, par idéalisme et désir d'échapper à la pression familiale, un jeune médecin écossais se rend au coeur de l'Afrique, en Ouganda. A peine est-il arrivé que le président Obote est renversé par les troupes du général Idi Amin Dada. Amin Dada se présente alors comme un réformateur, proche du peuple, un homme qui va moderniser et rendre heureux son pays. A sa chute, neuf ans plus tard, après avoir sombré dans une folie mégalomaniaque et meurtrière, il est responsable d'environ 300 000 morts et de la ruine de son pays...
Notre jeune écossais, suite à un concours de circonstances où sa franchise joue beaucoup, quitte les pauvres de son dispensaire pour devenir médecin personnel du (futur) dictateur, et complice naïf du régime...

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Le jeu de Whitaker est plus qu'à la hauteur! Il est époustouflant! Physiquement, hormis sa paupière gauche un peu baissée, il ressemble parfaitement à son modèle, et surtout son jeu, dans sa subtilité, restitue à merveille la folie mégalomaniaque du tyran, et surtout son évolution. On le voit passer de simple leader un peu mégalo à despote fou, sanguinaire et paranoïaque. Très impressionnant.

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Ce film a surtout pour grande qualité de restituer de bien belle façon l'atmosphère de l'Afrique postcoloniale, en proie à tous les démons possibles, et d'inviter à la réflexion, non pas sur la folie et la façon dont un homme impose sa tyrannie à une nation (cet aspect d'endoctrinement, de "meneur d'hommes" d'Amin Dada est presque passé sous silence), mais bel et bien sur la façon dont tout un chacun, croyant faire le bien, peut apporter son concours à un régime criminel, par aveuglement volontaire ou inconscient. Je ne pense guère dévoiler l'histoire si je dis que le jeune médecin ne découvre qu'assez tardivement la réalité du régime...

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J'encourage tout le monde à aller le voir, c'est réellement un film de très grande qualité où l'on apprend beaucoup de choses et qui fait réfléchir.

Attention toutefois, l'une des scènes finales est assez dure à supporter...

NB : Amin Dada, ancien militaire britannique, était passionné de culture écossaise et s'était sans rire autoproclamé "Roi d'Ecosse". D'où le titre du film. CQFD. A noter que l'ancien boucher de l'Ouganda n'est mort en exil qu'en 2003!

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18 février 2007

Blood Diamond

blood_diamondSynopsis : Alors qu'il purge une peine de prison pour ses trafics, Archer rencontre Solomon Vandy, un pêcheur d'origine Mende. Arraché à sa famille et forcé de travailler dans les mines diamantifères, ce dernier a trouvé et caché un diamant rose extrêmement rare. Accompagnés de Maddy Bowen, une journaliste idéaliste, les deux hommes s'embarquent pour un dangereux voyage en territoire rebelle pour récupérer le fameux caillou. Un voyage qui pourrait bien sauver la famille de Salomon et donner à Archer la seconde chance qu'il n'espérait plus.

10 février 2007

La vie des autres

Courrez le voir! Ce film, si le bouche-à-oreilles fonctionne bien, sera un succès, et un succès mérité. Sortez du matraquage médiatique autour de la môme Piaf (ce qui ne doit pas vous dispenser de le voir quand même) et allez voir La vie des autres.

Alors oui, c'est un film allemand, et de surcroît sur l'Allemagne de l'est... A priori, pas trop primesautier. Et pourtant!...

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Je résume: Nous sommes en 1984, à Berlin-Est. La Stasi, police secrète d'Etat, connaît tout sur tout le monde. Elle surveille des milliers de "suspects", soupçonnés d'opposition plus ou moins ouverte à ce régime odieux. Parmi les fonctionnaires assez glauques qui hantent ces services de surveillance, il y a Wiesler, un fonctionnaire taciturne et zélé. Le voici chargé de surveiller Dreyman, un auteur dramatique très en vue, et tout à fait en accord avec le régime, qui ne fait pas de vagues. Mais cet auteur a un tort: il vit avec une charmante actrice sur laquelle le KulturMinister a des vues. Le but: "Il faut trouver quelque chose, tout le monde a quelque chose à se reprocher". Commence alors de longues heures de surveillance, et une plongée dans la vie de l'intelligentsia est-allemande et dans tout un petit monde dont on peine à imaginer l'existence si près de chez nous voici si peu de temps... Et Wiesler finira par se prendre d'affection pour ces autres dans la vie desquels il plonge.

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Finalement, et sans trahir le suspense, on découvrira que même les plus irréprochables changent parfois, que les gens justes existent, que la machine d'Etat est forte et impitoyable, mais également que même les régimes les plus pourris finissent par tomber...

Alors me direz-vous, pourquoi aller voir ce film? Tout d'abord, c'est un beau film, tout simplement. De beaux sentiments, une image soignée (pas l'ambiance morose et l'éclairage torve d'un épisode de Derrick), des acteurs excellents, un scénario et une réalisation au poil. Et puis, et surtout, pour la dénonciation intelligente d'un régime, d'un système, dont on parle trop peu. Et qui prouve, si besoin était, que les autres pays ont plus de facilité que nous à se retourner et à créer autour de leur histoire récente...

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En somme, un très bon et beau moment de cinéma, et un film dont on sort en se sentant meilleur et plus intelligent. Ce qui, par les temps qui courrent, n'est pas un petit bénéfice!

5 février 2007

Osama

Synopsis : "Afghanistan. Début du régime des talibans. Une jeune fille de 12 ans vit seule avec sa mère et sa grand-mère. Pour survivre, la mère n'a d'autre solution que de travestir sa fille : désormais, elle sera un garçon et s'appellera Osama. La décision terrifie la jeune fille, angoissée que sa véritable identité ne soit reconnue par les talibans."

Osama est présenté comme le 43e film afghan (!) et le premier réalisé après la chute du régime taliban. On le doit à Siddiq Barmak, qui s'est entouré pour l'occasion d'acteurs afghans non professionnels parmi lesquels la petite Marina Golbahari, Khawaja Nader, Arif Herati, ainsi que Zubaida Sahar.

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L'idée de ce film est venue à Siddiq Barmak alors qu'il était en exil au Pakistan et lisait dans un journal le récit d'un fait divers survenu à Kaboul : une jeune Afghane désireuse d'étudier malgré l'interdiction d'aller à l'école imposée aux femmes par le régime taliban s'était coupé les cheveux et faite passer pour un garçon. Malheureusement, elle n'avait pas tardé à être découverte et fut battue à mort par les policiers...

Cette histoire a bouleversé Barmak, qui s'est promis d'en faire un film sitôt qu'il pourrait retourner en Afghanistan (où le cinéma était interdit). Deux ans plus tard, la voie étant enfin libre, il se mit à l'ouvrage mais décida de réaliser un film résolument optimiste intitulé "Rainbow". Dans cette version, Osama finissait par passer sous un arc-en-ciel et accédait ainsi à la liberté, selon une vieille légende afghane.

18371855Cependant l'interprète d'Osama, la jeune Marina Golbahari que Barmak avait trouvée faisant la manche dans les rues de Kaboul et qui avait beaucoup souffert de la guerre, n'avait pas du tout le coeur à rire. N'étant pas actrice de formation, elle ne pouvait pas sourire sur commande et jouer la comédie du bonheur (N.B. : Osama ne sourit jamais dans le film).

Barmak finit donc par modifier son scénario en laissant son idéalisme de côté, afin de montrer à travers son film la réalité du peuple afghan soumis au joug de fanatiques religieux. Et bien lui en a pris puisqu'au final, Osama constitue un vibrant témoignage plusieurs fois primé (mention spéciale du jury de la Caméra d'Or à Cannes en 2003, prix de l'AFCAE 2003, Golden Globes du meilleur film étranger en 2004, médaille Fellini de l'UNESCO,...).

Ce film s'avère d'un profonde sincérité, grâce à ses interprètes et à une histoire en apparence tristement banale. Je regrette d'ailleurs que Barmak n'ait pas retracé l'histoire véridique de cette fille mise à mort pour avoir voulu étudier, mais qu'il l'ait édulcorée en retirant tout l'aspect militant de cet acte volontaire (dans le film, Osama ne souhaite aucunement se travestir et ne l'accepte que pour aller travailler et ainsi, nourrir sa famille). On ressent de la pitié et de la compassion pour cette gamine qui subit sans cesse et pour son enfance sacrifiée, mais pas d'admiration.

18371857Toutefois, c'était le choix de Siddiq Barmak d'insister sur la terreur qu'inspiraient les Talibans, et je le respecte. D'autant que je trouve Osama extrêmement bien réalisé, avec des plans très marquants (comme cet enfant atteint de la polio qui tente de rattrapper un groupe de femmes dans le couloir d'un hôpital, ou ces premières scènes dans lesquelles les Talibans n'apparaissent pas explicitement à l'écran mais sont pourtant omniprésents).

Un grand et beau film, porté par une jeune fille bouleversante.

25 novembre 2006

Neverland

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Synopsis : Londres, début du XXe siècle. L'écrivain James M. Barrie est en quête d'un nouvel élan, dans sa vie comme dans son oeuvre : son mariage avec la comédienne Mary Ansell est dans l'impasse, et le public londonien boude sa dernière pièce.
C'est en arpentant les allées de Kensington Gardens qu'il rencontre Mme Llewelyn Davies et ses quatre jeunes fils. Une complicité immédiate se noue entre l'écrivain et les enfants sous l'oeil ravi de leur mère, jeune veuve désemparée qui trouve en lui un véritable ami.
Son intimité avec la famille Llewelyn Davies grandissant chaque jour davantage, James M. Barrie retrouve son âme d'enfant auprès de ceux qui sont désormais sa plus précieuse source d'inspiration. Il tisse avec eux la trame fantastique, visionnaire et subtilement mélancolique de Peter Pan.

Réalisé par Marc Forster (Loungers, Everything put together, A l'ombre de la haine, Stay...) en 2003, ce drame biographique raconte la genèse de l'oeuvre majeure de l'écrivain anglais James M. Barrie. S'inspirant librement de la pièce d'Allan Knee "L'homme qui était Peter Pan", le réalisateur allemand, accompagné par des acteurs aussi talentueux que pestigieux, nous offre une histoire poignante et véritablement humaine.

Johnny Depp (Edward aux mains d'argent, From hell, Pirates des Caraïbes), en auteur de pièce de théâtre en mal d'inspiration, perdu entre la réalité et le pays imaginaire de ses rêves nous émeu une fois de plus par son interprétation. Il campe le rôle d'un personnage mélancolique et désoeuvré, tantôt rêveur. Il va retrouver inspiration et joie de vivre auprès de Mme Llewelyn Davies interprétée par Kate Winslet (Créatures célestes, Titanic, Eternal sunshine of the spotless mind...) et de ses fils. A noter également l'émouvante et brillante prestation du jeune acteur Freddie Highmore (Deux frères, Charlie et la chocolaterie, Arthur et les Minimoys...) dans le rôle de Peter Llewelyn Davies qui a perdu toute illusion depuis le décès de son père. Une fois de plus excellent, Dustin Hoffman (Rain Man, Hook, Le Parfum...) apparaît dans le film en tant que directeur de théâtre plutôt coincé et conservateur. La charmante actrice australienne Radha Mitchell (Everything put together, Four reasons, Silent Hill...) en épouse délaissée par son mari, arrive également à nous émouvoir par son interprétation. Le casting est donc remarquablement bien mené.

Ce film d'époque traite cependant de sujets graves comme la difficulté des adultes à laisser la place au rêve et à l'imaginaire, les aléas de la vie de couple, le désespoir face à la maladie ou encore l'impuissante face à la mort... En dénonçant les inquiétudes de notre société avec pudeur, il prend une dimension tout à fait actuelle.

Neverland est une oeuvre poétique et romanesque, d'une rare beauté, où la réalité s'estompe pour laisser la place à l'enfant assoiffé d'aventures qui sommeille au fond de chacun de nous. Ce film magnifique nous conduit, qu'on le veuille ou non, sur les traces du pays imaginaire, jardin secret et merveilleux où nos rêves peuvent renaître et s'épanouir sans contrainte...

Je vous invite donc à le découvrir et j'espère qu'il vous touchera autant que j'ai pu l'être. Bon film à tous ! ;)

=> cliquez sur l'affiche pour voir la bande-annonce du film.

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7 novembre 2006

Le Labyrinthe de Pan

Un film prodigieux, qui vous prend aux tripes et dont on ressort totalement bouleversé.

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Film mexicain, espagnol et américain réalisé par Guillermo del Toro (L'Echine du Diable, Blade 2) en 2006 et qui aurait bien pu raffler la Palme d'or au dernier festival de Cannes, Le Labyrinthe de Pan se déroule dans l'Espagne de 1944 et réunit Sergi Lopez (le beau-père capitaine franquiste), Ariadna Gil (la mère d'Ofélia), Maribel Verdu (Mercedes), Alex Angulo (le docteur) et surtout la petite Ivana Baquero (Ofélia).

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Synopsis : "Carmen, récemment remariée, s'installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l'armée franquiste.
Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu'elle n'est autre que la princesse disparue d'un royaume enchanté.
Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l'a préparé à affronter..."

Avec "Le labyrinthe de Pan", Guillermo del Toro s'attaque à une Espagne contaminée par le franquisme, où des gens trouvent cependant la force et le courage de s'opposer à la propagation de ce mal (incarné ici par l'armée).
Face à des hommes et à un régime impitoyables, auxquels le réalisateur ne veut (et ne peut sans doute) trouver aucune excuse, se sont opposés des résistants mus par un espoir et par un rêve commun.

18465902Croyaient-ils encore aux contes de fées?
Je pense que oui.. Car s'ils n'y croyaient pas, ils n'auraient certainement pas lutté ainsi...
La petite Ofélia aussi croit aux contes, depuis ce monde de violence et de barbarie où elle grandit. S'imaginant princesse d'un royaume merveilleux où règne le bien, elle cherche l'évasion auprès de Pan et de ses étranges épreuves auxquelles il la soumet.

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Mais au nom de ses rêves, elle en viendra également à s'opposer à son cruel beau-père (l'époustouflant Sergi Lopez!) et à rejoindre d'une certaine manière le camp de la résistance.

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Pour moi, ce film reste un conte et on ne peut séparer ce qui relève de la réalité de ce qui relève de l'imaginaire d'Ofélia. Comme tous les contes, il comporte des gentils et des méchants, des épreuves et des obstacles, une part de violence et une invitation à la méditation...
Del Toro signe ici une oeuvre subtile et sublime, aux acteurs et aux images sensationnels, à la musique enchanteresse et au scénario brillant.

C'est éprouvant, c'est dur, mais on en ressort comme enrichi... Et on se surprend à vouloir croire de nouveau aux contes de fées, avec le sentiment qu'au milieu du désespoir demeure toujours un espoir qui vaille la peine de se battre.

En écoute : A Tale  (pas trouvé la version chantée par Mercedes..)

Et la BOF complète pour ceux qui voudraient l'acquérir

25 octobre 2006

Nuit et Brouillard

32 min.

C'est la durée de ce film documentaire tourné en 1955 par Alain Resnais (cinéaste prolifique s'il en est). Une seule demi-heure, pour l'une des oeuvres les plus marquantes et les plus percutantes du cinéma... 

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Pour le dixième anniversaire de la libération des camps de concentration, le Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale commande à Resnais un film sur ces camps dont l'opinion internationale commence à peine à découvrir l'ampleur et l'horreur. Mêlant des images d'époque (provenant des archives des nazis et des armées alliées) à des images tournées en couleurs à Auschwitz dix ans plus tard, Resnais demande à l'écrivain et ancien déporté Jean Cayrol d'écrire un texte sur ces images. Ce sera le commentaire, bouleversant de sobriété et au ton volontairement didactique, lu par Michel Bouquet.

La force et la puissance indicibles qui se dégagent de "Nuit et Brouillard" sont telles que l'on en ressort complètement anéantis, rendus muets par de telles monstruosité et hantés par ces images et ces mots qui nous font honte d'être humains. De fait, la vision de cette oeuvre construite comme une lente gradation vers la terreur absolue est difficilement soutenable, et il n'est pas rare que les paupières se baissent.

Si le film de Resnais ne constitue pas un témoignage complet et achevé du phénomène concentrationnaire, trop récent et trop méconnu encore à l'époque, il provoqua néanmoins de vives oppositions à sa sortie, les autorités allemandes et françaises tentant même de l'interdire.

Pourtant, Nuit et Brouillard décrit avec une grande intensité l'atrocité de ces camps abjects, tout en appelant les hommes à faire leur devoir de mémoire. Et surtout, ce film nous met en garde contre cette fausse naïveté qui nous pousse à croire que ce phénomène était propre à une époque, à un pays et à une catégorie d'hommes, avec une conclusion admirable à la résonance éternelle :

"Qui de nous veille de cet étrange observatoire, pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre ? Quelque part parmi nous il reste des kapos chanceux, des chefs récupérés, des dénonciateurs inconnus … Il y a tous ceux qui n'y croyaient pas, ou seulement de temps en temps. Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s'éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n'entendons pas qu’on crie sans fin."

En écoute ici : la belle chanson du même nom de Jean Ferrat

21 octobre 2006

Capitaines d'avril

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1974. Le Portugal, une des plus vieilles dictature d'Europe, s'enlise dans des guerres coloniales interminables en Afrique.

Le Portugal n'est plus qu'un petit pays, miséreux et analphabétisé, où règnent les successeurs d'Antonio Salazar, tenant ce pays d'une main de fer dans un gant de fer. Les intellectuels et opposants principaux sont en exil. Le peuple en a assez de ce régime véreux qui n'a plus les moyens de sa politique et les envoie mourir en Afrique.

Les 24 et 25 avril de cette année-là, le régime pseudo-fasciste déliquescent en place depuis un demi-siècle va tomber au terme d'un coup d'Etat militaire. C'est l'histoire de ces jeunes capitaines révoltés que nous conte Maria de Medeiros, l'histoire de ce pays qui se mit enfin à respirer et de ces jeunes militaires qui firent tomber une dictature et rétablirent la démocratie, ce qui n'est pas si courant.

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(Maria de Medeiros)

Ces 24 heures qui changèrent l'histoire, la réalisatrice nous les montre d'un oeil tendre et ému, parfois maladroit mais touchant, sincèrement touchant. C'est le chant de la démocratie d'un peuple, son peuple, qu'elle filme, mettant pour la première fois en images, sans romancer, l'histoire de la révolution des oeillets, un de ces moments qui font honneur à l'humanité.

On suit, tout au long du film, plusieurs de ces militaires, en particulier le capitaine Maia, véritable meneur et héros de cette révolution pacifique, incarné par l'excellent Stefano Accorsi (mention également à Joaquim de Almeida (vu dans 24 heures chrono également), fabuleux en militaire blasé et goguenard). Ses doutes, ses choix difficiles, son désintéressement, sa passion pour la liberté, tout est là, jusqu'à la chute de la tyrannie et la remise du pouvoir aux mains du général Spinola.

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(Stefano Accorsi et Joaquim de Almeida)

L'année suivante, des élections libres étaient organisées et d'immenses territoires en Afrique accédaient à l'indépendance. Ces capitaines courageux de la Révolution des oeillets avaient changé un peu la face du monde...

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(Stefano Accorsi)

Le film est de parti pris, bien sûr, mais empli d'humanisme, en forme d'hommage assumé de Maria de Medeiros à ces gens qui furent les héros de son enfance. Ces "capitaines d'avril" 1974, une fois passée cette journée folle, retournèrent à leur anonymat. Ce film les en tire et bien que trop peu connu, c'est une oeuvre essentielle, à voir, et un chant d'hommage et d'admiration à ce petit peuple du bout de l'Europe, qui mena à bien la première révolution pacifique réussie...

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(un militaire pendant la Révolution des oeillets)

12 octobre 2006

Indigènes

On a beaucoup parlé de ce film. Beaucoup, mais pas trop, cela est sûr.

Tant il est vrai que j'avais quelques "prévenances" comme on dit poliment envers ce film. Je voyais déjà arriver avec ses gros sabots le machin politique et bien pensant, rempli de gentils arabes, de méchants français, avec en prime Debouzze et Nacéry, que je n'apprécie vraiment pas, c'est peu dire.

Et pourtant... La bande-annonce, particulièrement bien fichue, et une (petite) dose de chauvinisme (une partie du film a été tournée dans mes Vosges natales) m'ont incité à aller le voir.

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Et je ne fus pas déçu!!!

A la fin de la séance, je dus me rendre à l'évidence: - pour la première fois depuis longtemps, je vois un bon film de guerre français. Sans temps mort. Avec tous les passages du genre. Un film français par essence, avec ses particularités et le point d'histoire bien spécial sur lequel il s'attarde, mais avec tous les ingrédients et le talent d'un film de guerre américain.

- deuxième surprise: je venais en effet de voir un film politique, un film engagé pour le moins. Mais curieusement, beaucoup plus modéré que je ne l'aurais cru. Presque consensuel. Avec un propos intelligent et nuancé.

- troisième plaisir, et non des moindres: on voit très peu Samy Nacéry (et dans un rôle de soldat assez salaud), ce qui est bien; et Jamel, malgré son omniprésence, remplit parfaitement son rôle et parvient à jouer juste, sans les excès qui le caractérise habituellement, ce qui est mieux.

- ensuite, j'ai fait une découverte, celle d'un réalisateur, Rachid Bouchareb, dont la caméra sait parfaitement caresser la lumière pour faire ressortir toute la beauté et la dureté des paysages traversés par ses personnages. Qu'il s'agisse de la blancheur aveuglante et sèche du djebel, des chemins de pierre de la Provence, ou des neiges vosgiennes, tout est impeccablement filmé, sans emporter le propos, juste en le soulignant comme il faut. Un réalisateur qui sait également brosser rapidement et détacher ses personnages avec tact et subtilité, sans jamais les enfermer totalement dans leurs caractéristique. En somme, un cinéaste à suivre, qui sait, avec rigueur et sans pathos faire du cinéma de qualité, savamment dosé.

- et puis, j'ai découvert deux acteurs fabuleux: Sami Bouajila, le caporal arabe, et Bernard Blancan, le sergent pied-noir. Ces deux acteurs, avec un jeu tout en nuances, donnent un relief et une force aux deux personnages principaux, tenant presque à eux seuls tout le film.

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En somme, un succès que j'encourage tout le monde à aller voir.

11 octobre 2006

Thank you for smoking

Premier long-métrage écrit et réalisé par Jason Reitman, Thank you for smoking est adapté de la nouvelle homonyme de Christopher Buckley, grand succès de librairie outre-Altantique (publié en 1994).

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Réjouissante description du milieu des grands groupes de pression, Thank you for smoking se focalise sur le personnage de Nick Naylor (l'excellent Aaron Eckhart), un lobbyiste ambitieux qui met son charme et son bagou au service d'une grande industrie du tabac, la société Big Tobacco. Son job? Nous vendre la cigarette. Et ce n'est pas chose facile dans un monde en guerre contre les toxines, gangrené par les politiques de prévention et le poids croissant des associations consuméristes...!

18472293Contrairement à ce que pense le sous-chef de Big Tobacco (interprété par J.K. Simmons, complètement fêlé et délicieusement infect), ce n'est pas parce que "la cigarette c'est cool, c'est abordable et ça rend dépendant", que "tout le travail est déjà fait!".

Avec ses comparses de la M.O.D. Squad (ou M.D.M dans la version française, autrement dit les "Marchands De Morts"), joués par Maria Bello (représentant les vendeurs d'alcool) et David Koechner (porte-parole des vendeurs d'armes),  Nick élabore des stratégies visant à contrer les actions menées contre l'influence de leur lobbying respectif. Les discussions de ces trois personnages sont particulièrement jubilatoires, car ils sont "politiquement incorrects" mais renversent la tendance en accusant leurs adversaires d'actions liberticides (tout en s'engueulant pour savoir lequel du tabac, de l'alcool et des armes à feu tue le plus de personnes aux Etats-Unis..).

Maniant habilement l'ironie et le cynisme, ce film se révèle très drôle et échappe au ton moralisateur ou geignard que l'on pouvait craindre avec un tel sujet. Le personnage de Nick apparaît même assez vraissemblable, grâce à son fils (le très convaincant Cameron Bright) qui admire les talents de manipulateur et d'orateur de son père, et dont Nick tente de conserver l'estime malgré sa "morale flexible"...

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Les politiques ne sont guère épargnés par ce film, qui dénonce également la marche vers l'aseptisation amorcée par certains jusqu'au-boutistes (qui n'ont rien de fictifs d'ailleurs..). Le sénateur partisan d'une lutte anti-tabac offensive (William H. Macy) apparaît ainsi risible dans sa volonté de rayer la cigarette du cinéma, quitte à retoucher des classiques du 7ème art en remplaçant les cigarettes fumées par nos héros par des objets jugés plus inoffensifs.

thank_you_for_smoking_2005_5Face à lui, la stratégie adoptée par Nick n'est pas plus reluisante puisque ce dernier imagine, avec l'aide d'un agent artistique adepte du zen (Rob Lowe, ici en compagnie d'Adam Brody, lequel fait une courte apparition dans le film), de faire fumer deux stars hollywoodiennes dans un film futuriste se déroulant dans l'espace. Cela afin de prouver que la cigarette ne connaîtra plus de limites et de frontières dans un proche avenir et que fumer dans un film ne sera plus l'apanage des RAM (Russes, Arabes, Méchants)...

On l'aura compris, ce film ne ménage aucune susceptibilité et chacun en prend pour son grade. La distribution est impayable, les répliques en passe de devenir cultes, et le film réserve plus d'une surprise (que ce soit l'utilisation inattendue des patchs anti-tabac ou la reconversion de Nick!)...

A l'instar de Nick expliquant aux enfants que les mises en garde de leurs parents contre le chocolat sont à prendre comme celles à l'encontre des cigarettes, et qu'ils doivent y goûter pour se faire leur propre opinion (!), je vous conseillerais donc (si ce n'est déjà fait) de vous laisser tenter par Thank you for smoking, histoire de vous forger votre propre opinion sur ce film.

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