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Septième Art
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25 octobre 2006

Nuit et Brouillard

32 min.

C'est la durée de ce film documentaire tourné en 1955 par Alain Resnais (cinéaste prolifique s'il en est). Une seule demi-heure, pour l'une des oeuvres les plus marquantes et les plus percutantes du cinéma... 

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Pour le dixième anniversaire de la libération des camps de concentration, le Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale commande à Resnais un film sur ces camps dont l'opinion internationale commence à peine à découvrir l'ampleur et l'horreur. Mêlant des images d'époque (provenant des archives des nazis et des armées alliées) à des images tournées en couleurs à Auschwitz dix ans plus tard, Resnais demande à l'écrivain et ancien déporté Jean Cayrol d'écrire un texte sur ces images. Ce sera le commentaire, bouleversant de sobriété et au ton volontairement didactique, lu par Michel Bouquet.

La force et la puissance indicibles qui se dégagent de "Nuit et Brouillard" sont telles que l'on en ressort complètement anéantis, rendus muets par de telles monstruosité et hantés par ces images et ces mots qui nous font honte d'être humains. De fait, la vision de cette oeuvre construite comme une lente gradation vers la terreur absolue est difficilement soutenable, et il n'est pas rare que les paupières se baissent.

Si le film de Resnais ne constitue pas un témoignage complet et achevé du phénomène concentrationnaire, trop récent et trop méconnu encore à l'époque, il provoqua néanmoins de vives oppositions à sa sortie, les autorités allemandes et françaises tentant même de l'interdire.

Pourtant, Nuit et Brouillard décrit avec une grande intensité l'atrocité de ces camps abjects, tout en appelant les hommes à faire leur devoir de mémoire. Et surtout, ce film nous met en garde contre cette fausse naïveté qui nous pousse à croire que ce phénomène était propre à une époque, à un pays et à une catégorie d'hommes, avec une conclusion admirable à la résonance éternelle :

"Qui de nous veille de cet étrange observatoire, pour nous avertir de la venue des nouveaux bourreaux ? Ont-ils vraiment un autre visage que le nôtre ? Quelque part parmi nous il reste des kapos chanceux, des chefs récupérés, des dénonciateurs inconnus … Il y a tous ceux qui n'y croyaient pas, ou seulement de temps en temps. Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s'éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous, et qui n'entendons pas qu’on crie sans fin."

En écoute ici : la belle chanson du même nom de Jean Ferrat

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Commentaires
A
" [...] avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres."<br /> <br /> A. Malraux, Discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon.
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