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Septième Art
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1 octobre 2006

Jeux interdits

Ce chef-d'oeuvre de René Clément fut réalisé en 1952 et réunit deux enfants au talent exceptionnellement précoce, Georges Poujouly et l'adorable Brigitte Fossey (âgés respectivement de 11 et 5 ans au moment du tournage) .

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Le premier, issu d'un milieu modeste, est choisi par René Clément pour interpréter le rôle de Michel Dollé, fils de paysans dans la France de juin 1940. Un rôle qui lui collera tant et si bien à la peau que pour beaucoup, le nom de Poujouly reste attaché à Jeux Interdits. Le comédien, peu sollicité par la suite, a tout de même tenu un rôle important aux côtés de Jeanne Moreau dans Ascenseur pour l'échafaud (Louis Malle, 1957), mais disparaît dans une relative indifférence en automne 2000.

Brigitte Fossey, l'inoubliable Paulette recueillie par les Dollé à la mort de ses parents, a quant à elle eu plus de chance, tournant dans des films tels que Le Grand Meaulnes (Jean-Gabriel Albicocco, 1966), M comme Mathieu (Jean-François Adam, 1970), Les Valseuses (Bertrand Blier, 1973) ou encore l'énorme succès populaire La Boum (Claude Pinoteau, 1980). Elle s'est aussi illustrée dans de nombreux téléfilms, et notamment Le Château des oliviers en 1992.

Mondialement connu, Jeux interdits a obtenu (non sans raison) le Lion de Saint-Marc à la biennale de Venise, et demeure pour moi l'un des films les plus poignants du cinéma français. 

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Comment deux enfants peuvent-ils conserver leur insouciance et se préserver de la guerre, peu présente à l'écran mais omniprésente dans le film ? En se jouant d'elle, semble nous souffler René Clément.

Alors que les adultes se chamaillent comme de mauvais garnements, les enfants eux paraissent étonnamment posés et réfléchis. Après que Michel lui ait appris que ses parents ont été enterrés dans une fosse commune, Paulette imagine qu'on les a placés dans un trou pour les protéger des intempéries et décide de faire de même avec son chien. Mais bientôt, l'idée qu'il pourrait s'ennuyer tout seul l'incite à lui trouver des compagnons.

L'amour et l'attachement unissant Paulette et Michel apparaissent d'emblée d'une rare intensité, et Michel n'aura de cesse de combler les désirs de la fillette, allant jusqu'à tuer pour elle... Bien sûr, il ne tue que de petits animaux et se garde bien de l'avouer à son amie, laquelle s'inquiète régulièrement de savoir s'ils sont tous morts de mort natuelle. Mais pour plaire à Paulette et lui faire oublier ses malheurs, Michel (jusqu'alors enfant docile et croyant), commet des fautes : il tue, ment à sa famille et au curé, pour finir par voler des croix au cimetière afin de les replanter dans la grange où lui et Paulette ont enterré leurs animaux.

Ce qui aurait pu être des jeux innocents devient aux yeux des adultes la pire des infamies, eux qui n'hésitent cependant pas à se battre dans une tombe fraîchement creusée et ne connaissent ni la charité ni la pitié. Pourtant, Paulette et Michel ne font qu'imiter le cérémonial funéraire des grands en honorant leurs propres morts... René Clément illustre de cette manière à merveille cette perte d'innocence inévitable et inexorable subie par les deux enfants, trop tôt confrontés à la mort pour en ressortir totalement indemmes, mais qui conservent malgré tout une candeur et une pureté de sentiments qui ne rendent le contexte dans lequel ils doivent évoluer que plus odieux et injuste.

Le titre choisi, Jeux interdits, peut s'entendre du point de vue des adultes du film, lesquels ne comprennent pas ces jeux morbides auxquels les deux enfants s'adonnent et leur en veulent de jouer ainsi avec la mort, sans respect pour les hommes et les femmes dont ils ont violé les sépultures en les privant de leur croix. Toutefois, on peut également traduire ce titre comme le constat (amer) que les enfants restent les premières victimes de la guerre, car celle-ci les prive des joies et de l'insouciance propres à l'enfance en les obligeant à grandir trop vite et à abandonner leurs jeux d'enfants.

De même que la guerre a broyé et anéanti des hommes, Michel et Paulette finissent brisés et détruits par la pire chose au monde qui pouvait leur arriver : leur séparation...

Un film poétique et bouleversant, aussi inoubliable que la superbe mélodie qui porte désormais son nom, mélodie sans doute issue du folklore espagnol mais arrangée (et interprétée!) par Narciso Yepes.

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Commentaires
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C'est sûr mais faut d'abord que notre prof de communication nous lâche un peu la grappe avec les devoirs ! On frôle la crise de nerfs... <br /> <br /> Il est difficile de rester objectif quand on parle d'un film certe. lol
L
Vivement tes articles sur des réalisations de Burton et Jackson alors! :D<br /> Quoique c'est difficile de parler de films aussi célèbres et massivement appréciés, enfin pour moi ça l'est (je n'oserais pas "m'attaquer" à 'Star Wars' par exemple, parce qu'il me semble qu'il y aurait trop à dire, et il y a plein de films que je ne sais comment aborder :S).<br /> Enfin, nous verrons bien, avec du temps et de l'inspiration :p
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Je pourrais en dire autant, mais je dois avouer que la perception des oeuvres cinématographiques est différente selon l'individu qui est touché de manière plus ou moins vive par un film... il n'y a pas de règles. J'ai un coup de coeur particulier pour deux réalisateurs ayant chacun un univers différent. <br /> <br /> Celui de Tim Burton est plus déjanté, il a quelque chose de poétique, un charme obscure et envoûtant. Peter Jackson à un côté grand gamin rêveur que j'aime beaucoup, on y retrouve des créatures mythiques et mythologiques, du divertissement intelligent mais qui reste avant tout du divertissement même si il est vrai qu'avec l'adaptation du Seigneur des Anneaux il a prouvé qu'il a su donner de la substance à une oeuvre relativement compliquée à la lecture. L'adapter avec une telle puissance émotionelle pour le grand écran fût véritablement un exploit... <br /> <br /> L'équipe mérite donc amplement ses 13 Oscars pour le Retour du Roi mais ce n'est que secondaire par rapport à l'apport humain qu'est le fruit de cette merveilleuse trilogie qui ne forme qu'un magnifique monument du 7ème Art.
L
.. beaucoup de satisfaction et de distraction, c'est certain! :D<br /> Le cinéma est un dénominateur commun entre nous (c'est un peu par ce biais que j'ai "rencontré" la plupart d'entre vous!... soit 3 personnes, bon ok.. :p), et je prends de plus de plaisir à découvrir de nouveaux films et à chercher à les comprendre.<br /> <br /> Je remarque d'ailleurs que depuis 3 ans mon rapport au cinéma a évolué (je pourrais créer un topic dessus, tiens :D), et ce qui n'était alors qu'un simple divertissement pour moi est devenu un art à part entière. J'ai beaucoup appris au contact de passionnés et ai le sentiment d'avoir enrichi (et élargi) ma culture personnelle à travers le septième art ^^<br /> <br /> Mais ce n'est peut-être qu'une impression, hein! :D :D
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En tout cas on voit que tu es dans ton élément ! On sent que le cinéma t'apporte beaucoup... :)
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