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Septième Art
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26 septembre 2006

Riens du tout

Ce premier long métrage réalisé par Cédric Klapisch (en 1992) est tout à fait délectable et rend déjà compte de l'extrême acuité avec laquelle Klapisch parvient à croquer des lieux délimités et les personnages qui s'y meuvent.

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L'histoire de Riens du tout peut apparaître rebutante de prime abord, puisqu'il s'agit de suivre les méthodes de management employées par un PDG fraîchement nommé pour sauver un grand magasin de la faillite. Mise en scène par Klapisch et scénarisée par ce dernier et Jackie Berroyer, cette trame s'avère pourtant passionnante! Chaque scène ou presque est un bijou en soi et pourrait être commentée, analysée, décortiquée.

Cette savoureuse satire sociale s'ouvre sur un Darroussin échevelé contemplant Paris depuis son balcon tandis que sa femme lui rappelle de sortir les poubelles en partant. Et à des années-lumières du Rastignac balzacien, le voilà qui lance un blasé "Et voilà! Poubelles, métro, boulot". Le ton est donné.

Une série de plans courts dans le métro, le bus, le taxi ou la rue suivent ensuite différents personnages apparemment sans lien entre eux mais qui convergent cependant tous vers la même entreprise : "Les Grandes Galeries".

Tous les acteurs (et il y en a) sont remarquables, mais Fabrice Lucchini en PDG étonne particulièrement par sa sobriété (une prouesse pour lui!). Sincère dans sa volonté de remettre l'entreprise à flot, son personnage touche, même si ses méthodes de "stratégie globale contre la dispersion" visant à privilégier le groupe prêtent à sourire : fini l'anonymat et la politique du chacun pour soi, les employés font partie d'un même ensemble et doivent apprendre à se connaître, à penser collectif. Pour ça, tous les moyens sont bons, et certains vont finalement se révéler efficaces...

Le magasin étant vu à travers les yeux du PDG et l'histoire se déroulant sur près d'un an, on peut évaluer les résultats de sa politique manageriale et l'évolution (ou pas) des relations entre salariés. Le cosmopolitisme qu'on imagine au sein de grands magasins réunissant diverses spécialités est admirablement bien rendue, et là encore, les personnages de Klapisch plaisent par leur normalité et leur banalité. Ces gens-là ressemblent à ceux que l'on croise quotidiennement, dans les transports ou ailleurs, et sont authentiques (jusque dans leurs excès).

Brillante critique d'une société portée à l'individualisme et gouvernée par la recherche du profit, où "les gens travaillent pour garder leur travail" (ce qui passe aussi _et de plus en plus_ par une intégration forcée à leur entreprise), Riens du tout est une comédie acide qui se conclue amèrement..

Retour brutal à une réalité économique détestable pour le PDG plein de bonne volonté, ainsi que pour les spectateurs qui prenaient plaisir à cette pause récréative. Le final, particulièrement cynique, se termine par une chanson aux paroles profondes et merveilleuses (!) avant la conclusion pleine de candeur de Darroussin en chef de chorale heureux :

Moi moi moi moi moi

Moi moi moi moi moi

Moi moi moi moi moi moi

T'es pas le seul

Moi non plus, moi non plus

T'es pas le seul

Moi non plus, moi non plus

"C'est l'osmose, hein?"

Un film qui traduit bien l'impuissance du salarié lambda à influer sur le cours des événements, et qui témoigne que nous ne sommes décidément "rien du tout" (ou alors pas grand chose).

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